Arrivé en France en 1955, Chu Teh-Chun ne pouvait pas ne pas faire siennes ces ruptures qui le bousculaient. Au cœur de ses interrogations et ses tourments, la découverte de l’œuvre de Nicolas de Staël, en 1956, sera décisive. Il y vit la voie possible d’une peinture dont l’abstraction était intimement liée au réel. On sait que les tableaux de Nicolas de Staël, aux puissants effets plastiques et émotionnels, portent toujours un titre se référant à un sujet concret : Le Concert, Les Footballeurs, Coin d’atelier, Portrait d’Anne, Paysage (Antibes), etc. Figuration abstraite, c’est sous ce vocable – formulé par les spécialistes du peintre d’origine russe – que le peintre venu de la lointaine Chine poursuivra sa propre création.
Le choix de cette orientation, toutefois, n’était que le début d’un long processus de recherche et d’approfondissement avant que l’artiste ait pu atteindre une vision qui lui soit propre, et partant, de forger un langage spécifique et efficace pour l’exprimer. Car, en dépit d’une vie matérielle difficile, il ne se contentait pas de solutions de facilité, ni de démarches qui ne seraient pas authentiques. D’où toute une période dominée par le tâtonnement qui, tout en produisant des œuvres déjà fortes, ne manquait pas de le plonger souvent dans les remous de l’incertitude. Il y avait chez Chu Teh-Chun la conscience d’un devoir presque sacré de s’initier le plus possible à la vérité d’une autre tradition qui est immense. Puisqu’il avait enfin la chance de se trouver sur le sol même où s’était établie cette tradition, laquelle offrait à sa vue tant de chefs-d’œuvre que jadis il ne connaissait que par de pâles reproductions, il lui fallait, avec patience et humilité, recevoir les leçons de tous les maîtres qui l’avaient illustrée.
François Cheng.
" Pour saluer Chu Teh Chun " 2019