« Après les premières réalisations sur toile de jute, dont il bouche les trous à la colle de lapin, le format des toiles ira quant à lui grandissant, jusqu’aux tableaux monumentaux à partir des années 1990[1], au gré d’une reconnaissance elle-même croissante. Cette extension du champ pictural rend de plus en plus prégnante et spectaculaire cette alternance entre transparence et opacité, donnant naissance à des formes diffuses et insaisissables, à la fois définies et chahutées par les mouvements amples et souples des pinceaux chinois de toutes qualités et de toutes tailles que Chu accumule et utilise. Une telle donnée, qui alterne entre focalisation et défocalisation du regard, vision fovéale et vision périphérique, implique une chorégraphie certaine chez le peintre qui, même vieillissant, n’aura jamais recours à des assistants ; pour lui, la peinture consiste à traduire et à transmettre des émotions intérieures, et l’action picturale se doit d’être le plus directe et physique, le plus automatique et intransitive possible. »
[1] La question de l’échelle du tableau est importante : celui-ci doit être d’un format suffisant pour englober, autant que se peut, le regard. Dans la petite chambre de son hôtel rue Lhomond, Chu manque de recul pour observer ses œuvres déjà trop grandes et décide d’utiliser un verre de jumelles, qu’il tient à l’envers pour obtenir une meilleure vue d’ensemble de sa toile. Il est intéressant de noter que cette prise optique de distance, qui aide l’artiste à estimer l’équilibre global de sa composition, s’oppose de façon complémentaire à l’immersion visuelle qui caractérisera les œuvres à venir.
Extrait de la monographie sur Chu Teh-Chun écrite par Matthieu Poirier aux éditions Gallimard.
Monographie CHU Teh-Chun . In Nebula
Hors série Connaissance, Editions Gallimard, format : 195 x 250, Pages : 240
EAN : 9782073057419
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Photo 1 : CHU Teh-Chun dans son atelier à Vitry - 1991 © Fondation CHU Teh-Chun
Photo 2 : Nouvelle monographie "CHU Teh-Chun-Chun - In Nebula" - par Matthieu Poirier - Editions Gallimard